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Le Bonheur, miroir du nouveau Paris !

AU BONHEUR DES DAMES, l'adaptation d'un grand classique en bande dessinée par Agnès Maupré !

LE BONHEUR, MIROIR DU NOUVEAU PARIS

Des silhouettes noires hantent les déballages de tissus bariolés du Bonheur des Dames. La même année que Michelet, Baudelaire note que le vêtement masculin signe « un deuil perpétuel ». Ce contraste entre femmes et hommes s’accuse avec le siècle. D’un côté, la ´ grande renonciation masculine identifiée par le psychanalyste Flügel. De l’autre, l’obligation faite aux femmes de paraitre au point de changer de toilettes plusieurs fois par jour.

SILHOUETTES

Mais il est des femmes en noir qui ne sont pas des veuves. Anonymes, souvent mutiques, ce sont les « demoiselles ». Toutes portent une robe de soie noire, discrète et digne comme les vêtements de deuil. Elles ne doivent pas faire d’ombre aux clientes.

Il faut dire que les demoiselles ne sont pas les seules jeunes filles consommées par la mode et ses violentes variations saisonnières. Couturières et « mécaniciennes » sont alors 150 000 à Paris, et pourtant invisibles.

MANNEQUINS

Une autre silhouette peuple ce rêve : le mannequin. Dès 1851, le rapporteur de l’Exposition universelle note qu’on n’étale plus les vêtements « sur le sec mannequin d’osier ou de carton […], aujourd’hui de souples jeunes personnes font les fonctions du mannequin, se promenant, se cambrant, se drapant avec art, elles font valoir ces étoffes […] dans leur mouvement naturel ». Le reste du temps, elles rangent les rayons et emballent les marchandises.

ETALAGISME

L’illusion de la vie. Dans les vitrines, des automates s’agitent et au milieu des comptoirs, posent des mannequins en cire. Dans les showrooms, ces fausses pièces d’appartements, armoires à glace, bibelots, albums posés avec un faux négligé imitent la vie. Les grands magasins se paient des étalagistes-artistes pour créer des reconstitutions de saynètes mondaines, des constructions baroques de tissus chatoyants, un « chalet suisse en gants » note Zola… Concerts et sorbets offerts achèvent de créer l’illusion. 

Comme l'observe Mme N., chapelière et voleuse aux grands magasins du Louvre, il s’agit d'un "rêve" de vie dans lequel la clientèle peut entrer.

Manuel Charpy
Chargé de recherche au CNRS, spécialisé en histoire des cultures matérielles et visuelles, et directeur du laboratoire InVisu (CNRS-INHA)

Au Bonheur des Dames