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Churchill et Moi

WINSTON ET CLEM : UN GOUFFRE ENTRE DEUX MONDES

Bladon (Lancashire), 1894.

Clementine Harper tombe amoureuse de Winston Churchill. Ils ont 20 ans tous les deux, sont voisins mais un monde les sépare : « Winnie » appartient à l’une des plus prestigieuses lignées anglaises alors que Clem n’est que la fille du maquignon local. De l’avis général, elle n’a aucune chance de séduire le jeune aristocrate.

Pourtant, balayant ces conseils de sagesse, elle se lance dans le journalisme pour attirer son attention, tout en suivant les péripéties de celui qui devient à la fois grand reporter, officier, écrivain, politicien et dont les défauts – orgueil, misogynie, ambition démesurée… - ne parviennent pas à la rebuter. Elle se rendra même sur le lieu de ses exploits, dans une Afrique du Sud déchirée par la guerre des Boers.

Mais pour une femme, en cette fin d’ère victorienne, la route de la notoriété ou même de la simple indépendance est semée d’embûches. Or après les avoir surmontées au péril de sa vie comme de sa santé physique et mentale, elle va s’apercevoir que son amour pour le grand homme était avant tout un tremplin pour lui permettre de devenir une femme d’exception.

Frank Giroud et les personnages féminins puissants

Historien de formation, l’immense majorité de tes œuvres sont des fictions. Pour toi, quel est l’intérêt de la fiction par rapport au biopic ou à la « bd du réel » par exemple, genres très pratiqués aujourd’hui en bande dessinée ?

La liberté. Avec la fiction, je ne suis soumis à aucune contrainte. Raconter la vie déjà toute tracée d’un personnage réel ne m’intéresse pas, de même qu’adapter un roman ou reprendre un héros abandonné par ses premiers auteurs. Ce qui me passionne, c’est l’invention, la création pure… même si je reste très rigoureux quand il s’agit de la camper dans un décor réaliste ou de reconstituer un contexte historique.

Bien avant que les auteures ne reviennent en force dans le champ de la bande dessinée, tu avais déjà commencé à travailler des personnages féminins très forts. Pourquoi cet axe dans ton travail ?

En fin d’adolescence et au début de ma vie d’adulte, j’ai baigné dans le mouvement féministe des années soixante-dix et pour moi, il n’y avait aucune différence (en tout cas hiérarchique) entre hommes et femmes. Je pouvais donc raconter indifféremment un récit du point de vue masculin ou féminin. En outre, j’aime beaucoup les femmes. Ma vie sentimentale, sexuelle et conjugale a été très riche (certains diront « chaotique ») et si elle m’a fait parfois souffrir, elle m’a permis d’explorer en profondeur l’univers féminin, qui m’a la plupart du temps passionné. Enfin, j’éprouve une aversion viscérale, quasiment physique, pour toute forme d’injustice, entre autres celle qui a longtemps frappé les femmes, éternelles mineures. Parler d’elles et leur donner des rôles à la hauteur de leurs mérites était donc une sorte de devoir.

Qu’est-ce qui t’a amené à travailler cette période particulière ?

Une partie de cette réponse est contenue dans la précédente. Ce que subissaient les Anglaises à l’époque victorienne était épouvantable et seuls les êtres d’exception parvenaient au sommet des marches. En outre, j’ai malgré ses défauts un faible pour Churchill et j’avais envie de le montrer à une période de sa vie que l’Histoire a un peu oubliée. Et puis… quel plaisir d’animer les face-à-face entre une femme ambitieuse, issue qui plus est d’un milieu populaire, et un aristocrate machiste imbu de lui-même !

Enfin, pour l’anecdote, pourquoi avoir donné à ton personnage fictif le même prénom que la réelle épouse de Winston Churchill ?

Il s’agit d’un petit clin d’œil adressé à ceux qui connaissent le prénom de la future femme de Winnie. Le fait de baptiser Miss Harper « Clementine » amène un suspense supplémentaire : s’agit-il de sa future épouse ? Ce prénom signifie-t-il que la fille du maquignon va réussir à harponner le grand homme et devenir Mme Churchill ?!?

Churchill et Moi